Dès le début des Renodays, la crainte de l’instabilité politique s’affiche…
Mis à jour le 07 octobre 2025 à 16h35

Dès le premier grand débat des Renodays, salon de la rénovation énergétique, la nouvelle pesante revient : la démission du gouvernement Lecornu, 14 heures après après l’annonce de ses nouveaux membres.
« C'est totalement scandaleux qu'il n'y ait personne aujourd'hui qui représente l'État», s’indigne Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), las de voir les ministres du Logement s’enchaîner. « On a eu la chance, pendant même pas un an malheureusement, de voir Valérie Létard se battre vraiment pour qu'on ait un budget acceptable », se remémore-t-il.
Pour créer une « rupture » dans la politique logement, « il faut soit sonner à Bercy, soit carrément, peut-être, et c'est la solution la plus efficace, je pense, d'aller ouvrir la porte de l'Elysée et d'aller rencontrer ceux qui font la politique aujourd'hui en France », estime M. Salleron.
Plus de « stop and go » mais un « stop » tout court des travaux
Car entre le gel estival de MaPrimeRénov’ pour les rénovations d’ampleur et l’exclusion de certains mono-gestes des travaux financés, les entrepreneurs du bâtiment ont de quoi s’inquiéter. En particulier les artisans du bâtiment, qui ne s’y retrouvent pas niveau rentabilité.
« Ce qui est difficile pour nous, c'est de voir qu'il y a autant d'argent - 2,6 milliards d’euros - consommés en 6 mois, et de voir que les impôts de nos artisans, ne nous retombent pas, ne ruissellent pas, puisque nos chiffres d'affaires sur la rénovation énergétique sont à la baisse », développe Jean-Christophe Repon, président de la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).
Pour Franck Durand, sécrétaire national de l’Union des architectes (Unsfa), ce n'est plus un « stop-and-go » mais un « stop » tout court de la dynamique des travaux. « On s'est formés, on a investi, on a pris ces marchés-là, on a adossé de nouvelles économies là-dessus. Et ce stop-and-go, ce stop aujourd'hui, ça fait mourir nos entreprises», déplore-t-il.
Que dire aussi côté logement social ? « On a besoin effectivement de visibilité, on a besoin d'un cap, on a besoin de stabilité, aussi de simplification, et de ne pas rentrer dans l’opposition rénovation et construction neuve. Parce qu'on a besoin de construire des logements aussi en France pour répondre à la demande, donc il va nous falloir relever les deux défis en même temps. Peut-être que le message est de mettre le logement là où il doit être, c'est-à-dire au cœur des priorités», expose Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement.
Arbitrer le budget MaPrimeRénov’ selon les besoins et les fraudes
Les bailleurs sociaux ont effectivement la rénovation énergétique en ligne de mire. 200 000 logements du parc social doivent être rénovés sur la période 2023-2027. « On est même un petit peu en avance puisqu'on était à 43 000 l'année dernière », se réjouit Mme Bouyer.
Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah) confirme quant à elle une tendance « ascendante » dans la délivrance d’aides MaPrimeRénov’. Depuis sa création en 2020, le dispositif représente « 14 milliards d'euros de subventions et a généré 44 milliards d'euros de travaux ».
Et d’insister sur l’intérêt d’une « mobilisation des collectivités locales, qui mêlent les politiques locales en matière d'amélioration de la vie privée et des Français qui demandent ces subventions et qui les demandent de plus en plus massivement ».
Des couacs sont quand même à souligner, comme la maintenance sur la plateforme de l’Anah depuis le 2 octobre. Le service reprend toutefois ce mardi 7 octobre au matin, nous informe Valérie Mancret-Taylor.
Pour Jean-Christophe Repon, les gros montants associés aux aides pour les rénovations d’ampleur multiplient les effets d’aubaine. Les fraudes à la rénovation énergétique ne sont pas un secret, entraînant l’interruption de MaPrimeRénov’ pour ces travaux globaux l’été dernier
Si l’aide pour les rénovations d’ampleur a repris sous certaines restrictions, l’impact sur les prestations de travaux se pose à l’échelle des architectes. «Avec un plafond de 30 000 euros, je ne sais pas faire de la qualité. Et je ne pense qu'aucun entrepreneur n'aurait la capacité de faire », souligne son secrétaire national.
L’intérêt des artisans pour MaPrimeRénov’ en jeu
Perturbée par ces rebondissements politiques, la CAPEB compte mener auprès de ses adhérents une enquête sur l’intérêt de ce dispositif. Parmi les questions posées : est-ce que les artisans veulent encore participer à MaPrimeRénov’ ? Si oui, sur quels modules ? Quelle refonte souhaitée ?
Si « énième changement » il y a, il doit être stratégique et soutenir un parcours de rénovation par geste, solution réitérée par la confédération ces dernières années. Mais les pouvoirs publics maintiendront-ils ce scénario, alors que certains travaux mono-gestes seront exclus du dispositif MaPrimeRénov’ dès janvier 2026 ?
Malgré l’interrogation et la lassitude ambiantes, la CAPEB demeure optimiste quant au futur du chantier. Pareil pour la FFB, dont le président ne croit pas en « la fin de la rénovation énergétique, mais il faut prendre aujourd'hui réellement des décisions, quelque soit le gouvernement qui arrive, parce que oui, maintenant c'est économique », martèle Olivier Salleron.
« Aujourd'hui, la rénovation énergétique dans notre pays plombe aussi le chiffre d'affaires du monde du bâtiment puisqu'on devrait être, à la fin de l'année, à -1,5%. Moi, je pensais que depuis 2020, on allait progresser de 4, 5 voire 6 % chaque année. Mais non, c'est le contraire qui se passe », détaille le président.
Financement, fraudes… Différentes solutions pour pérenniser la filière
Maintenant, quels sont les leviers à activer ? À l’échelle du financement, l’aide publique ne suffit plus selon Olivier Salleron. L’État et les parlementaires doivent notamment créer « une banque de la rénovation des copropriétés ». Car si ce marché « est énorme », il piétine.
Contre les fraudes, des outils d’intelligence artificielle sont aussi plébiscités par le président de la FFB. « Ce sont toujours les mêmes qui fraudent. On les connaît. Il faut nous interroger aussi, nous, femmes et hommes de terrain, parce qu'on les voit », encourage-t-il. Sans compter l’impact de l’IA, de la blockchain et d’autres procédés digitaux sur la simplification des démarches administratives des professionnels.
Mme Mancret-Taylor, quant à elle, appelle ménages et entreprises de croire au « service public » proposé par les espaces France Rénov’. « Dans le service public, ils ont l'information, les conseils, de l'orientation », soutient la directrice générale de l’Anah.
En parlant d’accompagnement, Action Logement met en relation ses filiales avec des assistants à la maîtrise d’ouvrage « très spécialisés dans la rénovation bas carbone » et « qui peuvent apporter des expertises et des groupements ».
« Il faut replacer tout ça dans une vision globale », aborde plus largement Franck Durand. « L’enjeu n'est pas d'aller chercher des personnes à revenu modeste, qui potentiellement peuvent être aidées, mais d'aller forcer les gens en capacité de rénover. Et là, c'est plus compliqué », abonde le sécrétaire national de l’Unsfa.